Fashion job à NYC : donner la becquée aux mannequins 4


Travailler dans la mode, ça peut vite faire rêver mais ça peut rapidement devenir risible aussi. Je me souviens de la première présentation où j’étais préposée à la survie des mannequins.

Il faut savoir que les créateurs n’investissent pas forcément dans un défilé pour dévoiler leur nouvelle collection. Il existe une alternative un peu moins coûteuse vers laquelle se tournent de nombreux jeunes designers. Mesdames et messieurs, j’ai nommé la présentation. Alors qu’un défilé va durer à tout casser une dizaine de minutes, une présentation peut quant à elle se dérouler sur quelques heures.

Les personnalités influentes passent leur fashion week à courir d’un défilé à un autre en passant par des présentations, des after parties et autres mondanités. Les probabilités qu’un éditeur important vienne voir votre collection augmentent donc considérablement si vous choisissez le format présentation. Alors dans l’infime espoir qu’Anna Wintour vous honore de sa présence pendant quelques minutes, autant ne pas la saoûler avec un horaire trop figé.

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Bon ok mais c’est quoi alors une présentation ?

Il s’agit d’une mise en scène où les mannequins sont disposés dans un décor. J’utilise délibérément  le mot “disposer” car on peut difficilement faire mieux en termes d’objectivation. Les filles sont installées dans des positions rigides, similaires à celles que l’on donne aux mannequins dans les vitrines de magasins. Le résultat est un ou plusieurs tableaux vivants plutôt surprenants. Les mannequins sont l’objet, les vêtements le sujet.

C’est bien joli tout ça mais il n’y aurait pas quelque chose qui cloche ? Tout a l’air vivant dans ces jolies mises en scène, sauf les mannequins. Imaginez-vous le scénario : on vous habille d’une collection Automne-Hiver qui fait la part belle aux matériaux précieux : cuir, laine, cachemire, etc. On vous met 500 grammes de laque sur la tête et 300 grammes de fond de teint. On vous poste sur des talons de dix centimètres et on vous installe au beau milieu d’un décor dans une position inconfortable.  Et là comme une visite au musée, des centaines de visiteurs vont venir vous reluquer, un verre de champagne à la main. Pas question de bailler, de vous étirer ou encore de vous gratter le bout du nez. Mais un bel événement n’est rien sans un jeu de lumières adéquat. Préparez-vous donc à suer sous les spotlights qui vous donnent l’impression qu’il fait 35 degrés, bien au chaud dans votre pull en cachemire sous un manteau en laine. Sans oublier les flashs incessants des photographes…Merci de garder les yeux ouverts les filles, faites comme s’ils n’étaient pas là ! Si tout ceci n’est pas la recette parfaite pour faire un malaise en deux secondes, je ne sais pas ce qu’il vous faut.

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C’est donc là que j’interviens, préposée à la survie de ces jolies poupées de cire. Je vais passer la durée de la présentation à épier mes petites protégées et à voler à leur secours au moindre signe de faiblesse. Pour exceller dans ce job, les maîtres mots sont discrétion, réactivité et rapidité. Toujours les tenir à l’oeil discrètement, réagir directement au moindre signe de faiblesse et agir le plus rapidement possible. Les armes secrètes ? Des mini bouteilles d’eau et de soda, des pailles, des M&M’s et des mouchoirs. Pour garder mes jolies plantes en vie, j’irai de temps en temps les abreuver de quelques gorgées à l’aide de mes pailles. Si j’en vois une tourner de l’oeil, je lui glisserai discretos un M&M’s dans la bouche pour lui faire reprendre des couleurs. Si son maquillage coule, je lui tamponnerai le visage en un quart de seconde avant de demander un renfort maquillage dans mon oreillette.

Alors j’entends déjà les rageux dire “ en même temps avec ce qu’elles gagnent, moi aussi je veux bien me transformer en statue”. Heureusement qu’elles sont bien payées ces mannequins…ah ben en fait non, la plupart ne touche pas un centime ! Vous les voyez souvent faire des présentations Kendall et Cara ? Moi non plus. Les présentations, c’est un peu comme le cauchemar du stage non payé qu’on espère rapidement transformer au moins en CDD. Beaucoup de mannequins acceptent de participer gratuitement à ce type d’événements dans l’espoir de se faire repérer et de lancer leur carrière. Parfois, ça marche, parfois ça marche pas. On en voit à la pelle des jeunes filles qui arrivent avec leur maman et un book sous le bras. Elles viennent parfois de loin, billets d’avion et hôtels à leurs frais, pour courir les castings qui précèdent la semaine de la mode. Les designers s’efforcent de s’offrir un mannequin un tout petit peu connu pour augmenter leur crédibilité et cette tête d’affiche rafle en général la rémunération de toutes les autres. Mais ces autres auront droit à des avantages en nature ! Des pièces de la collection et des cadeaux des sponsors…Ca leur fait une belle jambe d’avoir une paire de Uggs, deux robes, du shampoing et du makeup à la fin de la journée. En gros, ça leur coûte de l’argent de participer à la fashion week.

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Vous me direz qu’elles font leur choix de participer en connaissance de cause et vous avez raison. Mais ça n’enlève rien au fait que l’industrie soit mal faite et surtout très mal réglementée. C’était comme ça en 2012…la mode a-t-elle fait des progrès depuis lors ?

Je vous rassure, c’est parfois génial aussi ! Je me souviens de la toute première présentation de Carven à NYC. Une présentation qui respirait la joie et la vie, pour mettre en valeur une collection pétillante et haute en couleurs dont seul Guillaume Henry a le secret. Les mannequins avaient pour mission de bouger, sourire, rire et s’amuser dans un magnifique décor fleuri. Les filles faisaient des roulements pendant lesquelles elles pouvaient aller se reposer à l’étage. C’était joyeux et bon enfant. Et puis c’est tellement plus joli, la mode en mouvement.

Il faut le voir pour le croire alors je vous encourage vivement à taper “fashion week presentation” dans Google (bon allez je vous aide, c’est juste ici).

La prochaine fois, je vous parlerai du jour où Anna Wintour m’a souri…Si si, je vous jure.

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About The Lazy Frenchie

Journaliste et blogueuse, Aurélie vit à New York depuis 2011. Elle a travaillé pendant de nombreuses années dans l’événementiel et plus spécifiquement pour les industries de la mode et du luxe. Quelques fashion weeks plus tard, elle partage aujourd’hui son emploi du temps entre une école de langues à Tribeca, où elle enseigne le français, et l’écriture d’articles pour divers sites et blogs féminins. Ses sujets de prédilection sont New York, les voyages, la mode, la déco, le bien-être et tout ce qui touche de près ou de loin à la cuisine. Suivez-la en image : @the_lazy_frenchie. Pour plus d’informations, contactez-la à l’adresse suivante: aurelie@thelazyfrenchie.com

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4 thoughts on “Fashion job à NYC : donner la becquée aux mannequins

  • freyja

    coucou!
    ahahaj’ai adoré ton article, je ne connaissais pas du tout cet aspect là, ni même celui des défilés à vrai dire mais ca doit être super enrichissant 😀
    j’adore 🙂 j’aimerais voir ca un jour quand même :p

    merci pour ce partage!
    bisouus

  • Distrayante

    Je connaissais le principe des présentations, j’avais remarqué que les mannequins les plus connues n’y étaient pas, mais j’ignorais que ces filles n’étaient pas payées!!!! Ça reste un travail, c’est hallucinant.

  • Angelika

    Oh mon dieu l’horreur je les plains 😕 Et j’ai mal pour elles ! C’est limite cruelle je trouve !
    Jaime bien la marque Carven même si hein soyons honnête j’ai pas les moyens pour avoir une de leurs pièces mais savoir qu’ils sont un temps soit peu humains les rend encore plus sympa 😊