Quand tu habites aux US et que tu rentres passer un peu de temps en Europe, tu as les yeux partout. Il faut te réadapter et tu te surprends à scruter les comportements des gens comme tu le faisais dans ton pays d’adoption au tout début. Et là c’est le drame. Du moins pour moi.
J’ai quitté Bruxelles en 2011 pour m’installer à NYC. Je m’y sentais plus à ma place et la morosité me pesait. Mes quelques séjours de l’autre côté de l’Atlantique m’avaient permis de découvrir un nouveau mode de vie, aka la positivité. Qu’on l’aime, qu’on la déteste ou qu’on la trouve surfaite, cette dernière a le pouvoir de changer la vie quotidienne. J’entends déjà les râleurs du dimanche qui vous diront que c’est fake et fatiguant, cette bonne humeur à toute épreuve. Que la fille qui te fait un compliment dans la rue sans raison ne le pense pas, que le serveur te fait de la lèche parce qu’il pense à ses tips ou encore que le “hi, how are you” presque systématique en entrant dans un magasin est oppressant. Honnêtement je préfère tout ça à la fille qui te dévisage de haut en bas puis de bas en haut dans la rue, au serveur de café désagréable qui se comporte comme un homme de Cro-Magnon sexiste ou à la vendeuse qui accourt à l’instant où tu pousses la porte de son magasin pour te hurler dessus que Non non non non ils sont feeermééés !!!
Cette dernière année, l’Europe a commencé à me manquer de façon régulière, comme cela n’a jamais été le cas auparavant. J’ai eu envie de vivre 100% en français, de baguette digne de ce nom et de verres de vin à prix d’ami.
Je n’ai jamais vécu à Paris à proprement parlé avant, à part quelques mois par-ci par-là. J’ai passé la majorité de mes années européennes à Bruxelles mais je dois dire qu’en termes d’humeur, c’est assez similaire. L’accent en moins.
Ce qui ne m’avait pas manqué non plus, ce sont les gens qui râlent. Pour tout, pour rien, à la folie, passionnément. Genre seul dans la rue en se baladant. Ou le mec au coffee shop qui se rend compte qu’il va devoir aller commander au comptoir avant de s’asseoir. Comment tant de personnes ne se sont pas encore rendues compte qu’un minimum de positive attitude permettait de naviguer leurs journées de manière plus agréable. How ? Why ? Je vois pas.
Ca va faire Mamy Yeta de dire ça mais le manque de courtoisie et de savoir-vivre me rend dingue. Un exemple tout bête : pas mal de gens aiment ignorer les règles primaires d’utilisation d’un trottoir. Simple, basique. Mais non. Ca pousse, ça se comporte pire que des enfants sauvages élevés par les loups.
Au supermarché, c’est même pas la peine. Les Parisiens semblent aimer se comporter comme des New Yorkais pressés en fonçant dans le tas, en ne laissant personne passer dans les rayons alors qu’ils t’ont bien vue et bloquent le passage en râlant quand toi tu te décales pas. Sauf que les New Yorkais, ils sont pressés (pour de vrai) mais ils sont polis. Allez faire vos courses aux heures de pointe au Whole Foods ou au Trader Joe’s d’Union Square et on en reparle. C’est carrément l’angoisse mais l’angoisse dans le calme, la bonne humeur et le respect d’autrui. Ici t’as l’impression que les gens jouent leur vie et qu’ils doivent se dépêcher pour se rendre au chevet de leur mère mourante. C’est selon moi une des seules excuses qui pourraient justifier un tel comportement.
J’ai également surpris quelques conversations qui ne rentrent dans aucune catégorie et qui auraient certainement pu avoir lieu n’importe où dans le monde. Quoique. Petit florilège non exhaustif :
Pain Quotidien Montmartre, épisode L’égalité homme-femme a encore du souci à se faire : Une femme (la cinquantaine) et sa mère, occupées à discuter de la compagnie où la première bosse : le directeur est un homme et heureusement car ils sont bien plus intelligents que les femmes. No second degré. J’ai ri toute seule, elles étaient pas possible. Je vous épargne le reste.
Pain Quotidien Montmartre, épisode Je hais mon mari et je vais pas me gêner pour le lui faire savoir : Un couple (early quarantaine) entre avec leur fils (on va dire 6 ans). Tu sens déjà la mauvaise vibe avant de les entendre parler. Le mec propose d’aller s’installer à une table mais réaction négative de sa moitié. Elle souffle, elle peste. Elle dit plusieurs fois qu’elle n’aime pas faire les choses comme ça. Il décide finalement de faire preuve d’une certaine autorité en matière de prise de décision (gros fail, voir plus loin) et emmène son fils s’asseoir à la table devant moi pendant qu’elle trépigne. Ses oreilles fument, c’est incroyable. Elle finit par se résigner et les accompagne. Elle lui rebalance qu’il aurait du demander que la table soit nettoyée avant. Un peu gêné, il lui dit qu’il va le faire quand la serveuse viendra les voir. Le fils est à côté, impassible. Le quotidien, you know. La serveuse arrive, super sympa et là, Cruella sort son visage d’ange. Elle est mielleuse et adorable. Ses traits s’adoucissent sur commande, instantanément. Ils reçoivent la carte et elle repart. C’est reparti pour un tour de Mais pourquoi t’as toujours pas demandé que la table soit nettoyée ?Il lui demandera finalement quand elle repasse prendre la commande mais c’est trop tard pour apaiser les tensions. Il ne se parleront pas de tout le repas. La seule interaction, ce sont les longs regards noirs qu’elle lui lance. A part au moment où leur fils, insatisfait d’avoir choisi la brioche, la balance d’un revers de la main sur l’assiette de son père. Pas besoin de mots, juste un malaise et une haine omniprésents. Moralité : Ne jamais se fier aux apparences et quitter quelqu’un avant d’avoir envie de le tuer.
Wild and the Moon, Opéra, épisode Date de l’enfer, les frat boys n’existent pas seulement aux Etats-Unis : Un premier date en terrasse, arrosé de jus au prix d’un cocktail. Mon oreille attentive a de nouveau beaucoup de chance de se trouver à la table d’à côté. On assiste donc à un monologue du jeune homme à propos de ses prouesses sportives. Depuis la CM2. Pendant 15 minutes. Non stop. Encore il aurait fait les JO, ça passerait un peu mieux. Mais en vrai c’est juste un mec qui aime faire du foot avec ses potes. La fille ne dit rien et ça ne le dérange pas. Elle a du marmonner trois euh et deux aah. J’ai prié pour qu’il arrête les frais mais non. Le monologue numéro deux est incroyable. Monsieur nous conte, encore une fois de manière chronologique, sa tolérance à l’alcool. Combien de bières avant d’être malade à 16 ans, versus le week-end dernier. Je n’ai plus les mots, Jesus Christ. Verdict : ils ont décidé de quitter l’île séparément. Moralité : Garde du suspense pour le deuxième date sinon tu n’y auras pas droit.
Carrefour Pigalle, épisode Vous êtes plutôt jaune fluo ou jaune poussin ? Deux bénévoles Amnesty International à l’entrée du magasin (à l’intérieur donc autorisés à être là) accostent les clients. Jusque là, rien à signaler. Un peu plus loin dans les rayons, je surprend une conversation entre deux employés. Enfin je devrais plutôt dire je suis surprise par le fait qu’ils hurlent, littéralement. Moments choisis : Mais ils sont vraiment trop cons chez Amnesty International ! Faut pas qu’ils espèrent que les gens leur donnent leur argent hein. Avec leurs t-shirts jaunes, là ! On dirait des gilets jaunes, les gens vont plus oser rentrer dans le magasin. Pour info, il est impossible de les confondre : ce n’est absolument pas le même jaune et ça ne ressemble en rien à un gilet. J’ai trouvé ça moyen devant tout le monde. Moralité : Mieux vaut chuchoter et si tu n’arrives pas à parler doucement, envoie un sms.
Malgré ces observations, je vous rassure, je suis également tombée sur des gens charmants et je sais qu’il y en a des tas. Malheureusement, il y en a aussi un petit paquet qui ne le sont pas et ça ternit tristement la réputation des gens cool.
Bisous, love, second degré, peace et souris à la vie (et à ton voisin accessoirement aussi).
Eh bien moi ça m’aurait fait plaisir de te croiser et promis, je n’aurais pas râlé !
Hihi ne t’inquiète pas, je sais qu’il y a plein de gens super et qui ne râlent pas 🙂